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Le making of « Autonomie et capital symbolique dans un mouvement social universitaire »

Traductions

La revue European Journal of Turkish Studies (EJTS) vient de publier mon article « Autonomie et capital symbolique dans un mouvement social universitaire : le Groupe du 9 mars en Egypte » (en accès libre). Il fait partie d’un numéro thématique sur la démobilisation dans les universités en Turquie et dans d’autres pays.

De quoi il s’agit

Le Groupe du 9 mars pour l’autonomie universitaire est un petit groupe d’universitaires égyptiens qui, depuis 2003, ont lutté contre l’ingérence du régime égyptien dans le travail des professeurs et dans la vie universitaire. Selon l’analyse proposée dans l’article, la longue survie du groupe sous Moubarak et ses succès limités étaient tributaires de la participation d’universitaires célèbres, de sa démocratie participative et du fait qu’il a évité les conflits entre professeurs. Il me semble que tous ces atouts sont devenus des inconvénients après le soulèvement révolutionnaire de janvier 2011, et que cela permet de comprendre pourquoi le groupe s’est largement démobilisé depuis.

Pourquoi j’ai fait cette recherche

En août 2012, alors que j’étais chercheur postdoctoral à l’Université nationale de Singapour, je me suis mis à esquisser un projet de recherche de longue haleine sur l’autonomie des universitaires arabes et sur leur capacité de s’adresser à des publics non-spécialistes en tant qu’intellectuels ou militants. Je voulais y inclure quelque chose sur le Groupe du 9 mars. A ce moment-là, Jordi Tejel, qui a dirigé ce numéro thématique de EJTS, m’a invité à écrire un article pour le numéro. Pour respecter les délais de publication, j’ai proposé de faire une petite recherche sur le Groupe du 9 mars, ce qui me permettrait de commencer à travailler sur les questions qui m’intéressaient tout en terminant un article dans le délai prévu.

Ce qui me plaît dans l’article

La théorie des mouvements sociaux n’a guère prêté attention au prestige des militants. Pourtant il m’a semblé, pendant mon expérience de militant (à Londres, il y a longtemps) que les mouvements sociaux tenaient à obtenir la participation de militants prestigieux. Je suis donc content d’avoir enfin eu l’occasion de faire une recherche qui traite de cet aspect des carrières des militants. Je suis également heureux d’avoir écrit quelque chose sur des événements qui sont historiquement importants à mon avis et qui, sans cela, auraient peut-être été oubliés. Comme ma thèse de doctorat a porté sur des projets intellectuels que je considère comme fondamentalement erronés, c’était aussi un changement agréable que d’étudier un groupe dont je respecte le travail.

Ce que j’aurais aimé pouvoir faire

Certains des militants à qui j’ai parlé font partie de familles ayant produit des générations de miltants connus. Il y avait malheureusement trop peu de temps, et trop peu de place dans l’article, pour que je creuse ce phénomène. J’aurais aussi aimé inclure les points de vue des Frères musulmans qui ont participé à ces événements, ainsi que d’un certain nombre d’universitaires non-militants.

Et après ?

Comme j’ai dû faire cette recherche dans un temps limité, je l’ai faite en utilisant des méthodes que je connaissais bien. Je pense que la nécessité de publier vite a tendance à limiter l’autonomie de la recherche, parce qu’elle empêche le chercheur de prendre le temps d’apprendre de nouvelles techniques et favorise ainsi la reproduction de méthodes bien connues et à faible risque. J’aimerais maintenant faire une recherche comprenant des techniques, surtout quantitatives, que je connais moins bien.